Suivi GPS des troupeaux et traçage isotopique des systèmes pastoraux en Mongolie

L’Asie continentale dispose de vastes zones de pâtures qui, tout en étant importantes d’un point de vue environnemental, fournissent des moyens de subsistance indispensables aux éleveurs. En Mongolie, le pastoralisme nomade est actuellement la principale stratégie pour exploiter au mieux les ressources disponibles (eau, herbage) et gérer leurs fluctuations spatiales et saisonnières.

Dans les zones de steppe et de montagne, les troupeaux sont généralement déplacés entre des pâturages d’altitude en été et des zones plus basses le reste de l’année. Ce modèle général de transhumance annuel peut varier en fonction d’autres paramètres (abri du vent, protection vis-à-vis des insectes piqueurs) et l’anthropologie a montré par ailleurs que loin d’être un système figé, le pastoralisme mongol s’adaptait continuellement aux contextes politiques, socio-économiques et environnementaux. Les programmes de fouilles archéologiques menés récemment ont également démontré que la réponse aux difficultés liées à l’environnement steppique et au climat hyper-continental (rigoureux et irrégulier) avait pu varier selon les époques, présentant des systèmes agropastoraux sédentaires, semi-sédentaires ou nomades. La compréhension des mécanismes impliqués dans l’évolution de la dynamique du pastoralisme mongol nécessite donc d’adopter une démarche historique et de s’intéresser aux relations homme-animal dans le passé. Cette archéologie de la mobilité, si délicate à percevoir, se trouve au coeur du présent projet.

Le projet ISOTRACK propose de s’appuyer sur une approche intégrée de suivi des troupeaux par GPS et d’analyse isotopique de leurs tissus afin de mettre en place les référentiels actuels nécessaires à l’interprétation des données obtenues sur les restes archéologiques. La géochimie est un outil performant pour retracer les traits de vie des animaux. Les analyses isotopiques (d13C, d15N, d18O, d2H, 87Sr/86Sr…) réalisées le long des tissus à croissance continue (poil, corne) ou prolongée (émail dentaire) peuvent renseigner sur les changements alimentaires et les déplacements des animaux. Leur interprétation nécessite néanmoins la mise en place d’un référentiel actuel constitué d’animaux dont les parcours sont connus avec précision.

Dans des régions difficiles d’accès, un suivi humain des troupeaux est impossible, et les informations collectées a posteriori auprès des éleveurs ne sont pas toujours fiables. Nous proposons de confronter les données isotopiques avec un suivi satellitaire afin de valider indépendamment les traceurs des déplacements. Les déplacements des animaux (moutons, chèvres, chevaux) seront suivis en temps réel pendant un an au moins et plusieurs troupeaux seront équipés afin d’augmenter les chances de documenter différents parcours.

L’approche est appliquée à deux terrains, l’Altaï et l’Arkhangaï mongol, dans lesquels notre équipe dirige ou participe déjà à des fouilles. Les tissus (poil, laine, dents) seront échantillonnés au début et à la fin de l’expérience. Une telle approche est très rare (une seule étude sur des éléphants) et n’a jamais été employée sur des animaux domestiques. La prise de risque réside dans le caractère reculé des zones étudiées, le caractère inédit du type de collaboration avec les éleveurs, la possibilité de perte ou de vol des animaux ou du matériel. A travers cette approche intégrée, nous souhaitons proposer une étape nouvelle de réflexion sur les thèmes liées à l’histoire des pratiques agropastorales, l’évolution des systèmes nomades, la mobilité des troupeaux et des hommes, leur alimentation et l’analyse des systèmes symboliques à travers la place de l’animal dans les contextes funéraires.